Alchimie végétale

Ces dernières années, l’alchimie des plantes, encore appelée alchimie végétale, a connu un grand regain d’intérêt. Les préoccupations écologiques et spirituelles de notre société y sont sans doute pour quelque chose. Cependant, au regard des quelques livres et formations disponibles à l’heure actuelle sur le sujet, on oublie trop souvent de préciser que l’alchimie des plantes, c’est d’abord de l’alchimie.

Par conséquent, l’alchimie végétale ne se limite pas du tout au fait de réaliser des petites potions magiques à base de végétaux ou de minéraux dans un coin de cuisine transformé en laboratoire. Ce qui explique que, dans bien des cas, les gens confondent souvent l’alchimie végétale et la spagyrie. Or, l’alchimie des plantes est une voie initiatique, alors que la spagyrie s’occupe essentiellement de remèdes naturels. Et c’est parce que cette confusion entre l’initiatique et la thérapeutique est extrêmement courante, et qu’on me pose souvent cette question, que j’ai réalisé cet article.

L’histoire de l’alchimie des plantes…

Cette confusion ne date pas d’hier. Étant donné l’auréole de mystères qui entoure l’alchimie depuis la nuit des temps, il n’est pas anormal qu’on mélange les choses de nos jours. 

Mais avant de donner des détails sur ce qu’est vraiment l’alchimie des plantes, il faut juste rappeler un élément important. Durant de nombreux siècles, l’alchimie fut présente à tous les carrefours où l’on parlait de science, de médecine et de thérapeutique. 

Ce qui explique qu’à une certaine époque, la plupart des scientifiques, des médecins ou des apothicaires étaient également alchimistes. Ce qui est un premier élément de confusion.

L’iconographie alchimique

De plus, l’iconographie hermétique s’est souvent servie de l’univers très coloré des vieux laboratoires chimiques. Avec ces innombrables cornues et bocaux remplis de substances étranges. Ses alambics mystérieux et ses fours à fusion. 

Cette vision a donné à l’alchimie une identité foncièrement laborantine. 

Mais toute cette imagerie merveilleuse qui nous fait rêver ne doit pas nous laisser penser qu’il s’agissait forcément d’alchimie. Il est exact que les alchimistes se sont beaucoup servi des manipulations chimiques pour décrire allégoriquement des processus métaphysiques et spirituels. En effet, il aurait été difficile à ces époques reculées de décrire ces notions d’une autre manière.

L’arbre qui cache la forêt

Et en cela, les manipulations chimiques du laboratoire antique ont toujours constitué de précieux éléments de comparaison pédagogique. 

En revanche, il est faux de penser que le rapport alchimie + manipulations de laboratoire fut systématique dans l’esprit des anciens.

En résumé, ce n’est pas parce que les alchimistes de jadis étaient aussi chimistes, médecins ou apothicaires que cela réduit forcément l’alchimie à un ensemble de recettes de laboratoires. 

Comme on va le voir plus loin, l’alchimie traite de tout à fait autre chose…

La materia prima et l’alchimie végétale

Ensuite, il est important de comprendre qu’on parle d’alchimie des plantes parce qu’intellectuellement c’est bien pratique. Ainsi, on sait immédiatement sur quoi on va travailler. 

Mais dans la pensée alchimique antique, cette distinction n’aurait eu aucun sens. 

En effet, dans le contexte de l’alchimie pratique, une plante n’est que l’une des nombreuses matières premières (ou materia prima) sur lesquelles un alchimiste va pouvoir oeuvrer. 

Au même titre d’ailleurs qu’un métal ou une autre substance organique. Ce qu’avaient bien compris, par ailleurs, les philosophes de la Nature de Jean Dubuis.

Les mêmes principes pour tous…

Et c’est d’autant plus vrai que, quelle que soit la matière sur laquelle il agit, l’alchimiste utilise toujours les mêmes principes et opérations de base

Des opérations qui, encore une fois, ont été illustrées dans l’iconographie hermétique au moyen des manipulations du laboratoire classique, comme on va le voir en détail un peu plus bas.

Alchimie des plantes VS Spagyrie

Or, de nos jours, on parle d’alchimie des plantes comme s’il s’agissait d’une discipline à part, avec ses opérations particulières et sa dialectique propre. Ce qui relève en fait de la spagyrie.

On se représente l’alchimie des plantes comme une science naturelle venue d’un autre âge, avec ses secrets, ses solutions alternatives et sa magie… 

Par conséquent, on a vite fait de confondre les élixirs végétaux avec les élixirs spagyriques. Sont également concernés les élixirs floraux et autres fleurs de Bach.

De quoi nourrir finalement un imaginaire collectif qui a sans doute besoin de se réenchanter. Mais le problème, c’est qu’à travers tout cet univers naturaliste, la dimension purement initiatique des opérations vertes s’évanouit ou tout au moins passe au second plan. 

Au lieu de servir une métaphysique précise, qui fait du travail de la plante un support d’évolution spirituelle (donc un chemin initiatique), l’alchimie végétale va se réduire progressivement à une sorte de pharmacopée spéciale. 

On y revendiquera des procédés de thérapeutique anciens utilisés par les vieux herboristes et droguistes médiévaux. En oubliant par la même occasion le fait que ceux-ci ne furent pas tous alchimistes, ni même intéressés par l’alchimie.

Alchimie des plantes et influence arabe

Voilà qui nous amène au coeur de notre sujet, à savoir la différence qui sépare fondamentalement l’alchimie végétale de la spagyrie. L’une s’occupant de transmutation de la conscience, et l’autre de thérapeutique médicale, selon des procédés très spécifiques.

Pour comprendre de quelle manière se sont établies cette jonction et la confusion qui en résulte, il faut étudier deux éléments d’histoire majeurs. 

Le premier, c’est influence des Arabes qui furent, comme on le sait, les précurseurs de l’art médical. En effet, les philosophes arabes ont quasiment développé les bases de la médecine en occident. À partir du 7e siècle, ils vont récolter et diffuser la plupart des connaissances scientifiques du monde et développer considérablement certaines branches d’entre elles.

Comme à cette époque, l’alchimie et l’astrologie font partie des sciences traditionnelles, les Arabes ont tout naturellement incorporé ces éléments. Comme tout ce qui pouvait servir selon eux à l’évolution de la science. 

Mais qui dit incorporer dit parfois aussi mélanger, et on constate qu’une certaine confusion va commencer à s’établir dès cette époque entre la médecine et l’alchimie.

La spagyrie de Paracelse

Puis, vers le XVIe siècle, une autre influence majeure va entériner le problème en la personne de Paracelse. Ce grand alchimiste bien connu semble avoir été le dernier représentant de la vieille science hermétique. Il vécut à une époque où le monde commençait tout doucement à s’affranchir de la pensée religieuse. Et surtout à poser les bases d’une science désacralisée. 

Par ses écrits, Paraclese va diffuser des pratiques où se mêlent l’alchimie, l’astrologie, la médecine (il a écrit sur la chirurgie notamment), la chimie vulgaris, et la magie également. Évidemment, ce syncrétisme lui a valu beaucoup d’ennuis. 

Quoi qu’il en soit, l’influence de Paracelse est déterminante, puisque c’est lui qui a instauré le premier les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui la spagyrie.

Comme son nom grec l’indique, la spagyrie est donc l’art de séparer et de réunir. Ce qui est très ambigu dans notre contexte alchimique (tout comme l’intégralité des écrits de Paracelse d’ailleurs), parce que cette devise est la copie conforme de celle utilisée communément par les alchimistes. 

En effet, la devise alchimique latine (repiquée chez Saint Benoît) « solve et coagula » signifie exactement la même chose que spao ageiro (qui a donné spagyrie)…

Des ambiguïtés qui ont laissé des traces profondes…

Ainsi, au cours de l’histoire, l’influence des alchimistes arabes ou bien celle des adeptes européens comme Paracelse (ou encore le fameux Basile Valentin qu’on peut citer également ici), vont concourir à créer et à alimenter dans la pensée collective, l’idée que l’alchimie et la thérapeutique ne font qu’une. 

La raison en est que, dans les deux cas, on utilisera la métaphore laborantine et pharmacologique pour décrire en filigrane une sapience purement métaphysique ou initiatique. C’est-à-dire une connaissance alchimique constituant un processus d’évolution spirituel, qui n’est autre que le grand-oeuvre alchimique.

La spagyrie et les débuts de la pharmacopée scientifique

À présent qu’on a compris d’où vient l’erreur, essayons de voir ce qui distingue justement la spagyrie de l’alchimie végétale.

En fait, la spagyrie n’a rien d’un quelconque processus spirituel. 

De nos jours, certains auteurs ou formateurs proposant des initiations à l’alchimie végétale ou à la sagesse des plantes, n’hésitent pas à mixer la voie verte avec les thérapeutiques alternatives comme la naturopathie, l’herboristerie ou encore le développement personnel.

Bien sûr, ce mixage n’est pas absurde en soi et, sans aucun doute, ces notions peuvent parfaitement bien coexister. 

Cependant, le danger est de ne plus comprendre à l’arrivée les enjeux de la démarche d’alchimie végétale quand on la réduit à une médecine parallèle ou bien à une psychologie holistique.

Les élixirs spagyriques en résumé

La spagyrie entend se dissocier des thérapeutiques de plantes que sont, par exemple, les tisanes, les alcoolatures, ou encore les huiles essentielles. En effet, le spagyriste utilise non pas l’un ou l’autre des éléments constitutifs de la plante, mais l’intégralité de celle-ci. 

Selon la doctrine paracelcienne, tous les éléments de la nature sont constitués de trois principes qu’on appelle communément le soufre, le mercure et le sel

C’est une vision un peu différente de celle d’Aristote qui utilise plutôt les quatre éléments feu, eau, air et terre, pour décrire les manifestations de la nature. Il s’agit donc d’une vision beaucoup plus subjective que dans la spagyrie où le soufre, le mercure et le sel vont prendre une forme relativement concrète.

Sépare et réunis… 

Donc, en suivant en cela la devise spagyrique, on va dans un premier temps séparer les trois constituants de la plante, soufre mercure et sel. 

Puis, on va les purifier ou les nettoyer respectivement. Enfin, on va les réunir à nouveau, pour donner naissance à un élixir (donc un remède). 

Or, pour les spagyristes, ce remède possède des vertus thérapeutiques supérieures à la simple pharmacopée de base. Pour la bonne raison que l’élixir spagyrique contient les trois principes élémentaires de la plante, et non pas seulement l’un ou l’autre comme avec les tisanes ou les huiles essentielles. 

Bien entendu, aujourd’hui, pour des raisons évidentes, la spagyrie ne s’occupe plus du tout de la dimension médicale. Si ce n’est dans un contexte d’accompagnement énergétique légal. 

D’ailleurs, à l’époque de Paracelse, la médecine essayait justement de se désolidariser de la magie et du mysticisme religieux. Donc, on imagine bien pourquoi Paracelse a eu tant de mal avec les académies scientifiques de son temps.

L’alchimie des plantes selon l’hermétisme

Comme je vous l’explique en détail dans ma formation d’alchimie végétale, les plantes sont utilisées en alchimie comme des êtres auxiliaires à part entière favorisant notre évolution spirituelle. 

Elles agissent dans le cadre d’un processus initiatique reposant sur une analyse du thème astrologique. C’est ainsi que ça s’est toujours pratiqué dans l’hermétisme

Au reste, on peut rappeler au passage que Paracelse faisait grand cas de l’astrologie et qu’il ne pratiquait aucun acte magique ou médical sans en référer aux astres.

De fait, dans le contexte purement alchimique, on ne va pas réaliser un élixir de plante pour bénéficier seulement d’une aide thérapeutique ou énergétique. Ici, l’élixir va plutôt symboliser (puis canaliser) une phase de transformation de la conscience. Une étape d’évolution que les Orientaux appellent tout simplement un chakra.

Et cela est rendu possible par le rapport analogique qui unit les trois constituants de la plante que sont (rappelons-le) le soufre, le mercure et le sel, AVEC les trois éléments constitutifs de la nature humaine, qui sont précisément le corps, l’âme et l’esprit.

C’est donc ce rapport métaphysique de séparation, de purification et d’assemblage des éléments de la plante dans un nouvel être végétal, qui va permettre qu’un travail identique se produise conjointement sur nous.

Les manipulations de laboratoire

Le rapport analogique qu’on vient de voir concerne également les ustensiles du laboratoire alchimique ainsi que les opérations qui s’y déroulent. 

Et l’on comprend, à partir de là, pourquoi il a été si commode d’utiliser le matériel de laboratoire pour décrire les expériences intérieures de l’alchimiste dans sa quête spirituelle.

L’exemple le plus manifeste est le distillateur, qui est composé, comme on le sait, de trois parties. 

Les secrets du distillateur en alchimie des plantes 

La partie basse du distillateur va recevoir la matière la plus dense, dans l’état où la nature la fournit. C’est-à-dire un état d’imperfection sur laquelle on veut agir. 

Symboliquement, c’est un état d’opacité et d’ignorance de la conscience. Et par extension, c’est là où le composé physico-chimique le plus lourd se situe. 

Durant la chauffe du composé végétal, l’alcool et les huiles essentielles vont monter. Ce sont donc les éléments les plus subtils et aériens. 

Corrélativement, l’âme et l’esprit de l’alchimiste vont monter vers le col du ballon ou de la cucurbite, exactement comme le feront les parties les plus subtiles de la matière.

Alléger l’âme pour atteindre les mondes spirituels

Le col du ballon représente la montagne sacrée. L’endroit élevé où l’on monte pour recevoir l’initiation spirituelle. 

Ici, on n’est plus sous l’emprise de la lourdeur physique, puisqu’on a laissé le corps en bas (qui est le sel alchimique). De fait, la vision spirituelle est exaltée et surtout, on est au contact des énergies célestes et divines

Donc, cette première séparation que permet le distillateur va dissocier les éléments légers et subtils de la matière restée au fond du ballon. Ce qui permettra de les purifier séparément, pour les rassembler ensuite à nouveau.

Ainsi naîtra un nouvel être végétal, purifié et rénové. Un être débarrassé de ses impuretés initiales. Un être effectivement guéri, mais spirituellement parlant. 

En réalisant ce prodige sur une plante, l’alchimiste en bénéficie également.

L’alchimie des plantes et la métaphysique

Donc, vous l’aurez compris, en alchimie, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. C’est-à-dire que les choses qui se produisent dans l’alambic se produisent aussi dans le bonhomme. Et tout ça au moyen d’une métaphysique extrêmement précise, qui garantit  le succès du travail spirituel et lui donne surtout une forme très concrète. Ce qui est certainement à la fois l’apanage et l’originalité de l’alchimie.

Ainsi, toutes les opérations du laboratoire ont un sens précis qui impacte sur les événements de la vie spirituelle de l’alchimiste. Je ne peux pas tout énumérer ici, mais pour ceux que cela intéresse, vous retrouverez l’intégralité de ces notions dans mon cours d’alchimie végétale.

J’espère avoir démontré ici que loin d’être une simple pharmacopée antique, l’alchimie végétale est en réalité un véritable outil de transformation spirituelle. 

Bien sûr, l’alchimie des plantes peut aussi apporter des avantages en matière de santé et d’équilibre émotionnel, mais ce n’est pas à l’origine sa fonction principale, et ce n’est pas non plus ce que j’enseigne, me réservant uniquement (et pour l’instant) à la dimension initiatique.

On trouvera à ce sujet bien plus de réconfort dans les huiles essentielles, les alcoolatures, les élixirs floraux et autres adaptations spagyriques à caractère thérapeutiques

Vers plus de simplicité…

Par ailleurs, et pour finir, il est clair que la pratique de la spagyrie est beaucoup plus complexe et requiert plus de moyens que l’alchimie végétale.

Dans la voie végétale, les opérations de laboratoires peuvent être vraiment réduites à l’essentiel sans que cela réduise du tout l’efficacité des opérations spirituelles envisagées.

Cette remarque est également valable en ce qui concerne la fameuse pierre végétale, qui n’est autre que la pierre philosophale du règne vert et dont j’enseigne également la réalisation dans mon cours pratique d’alchimie végétal.

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