Ésotérisme chrétien : les vérités intransmissibles

Dans mon dernier article, je vous ai proposé une introduction à l’ésotérisme chrétien. Nous avons vu également ce qu’il faut entendre généralement par le mot ésotérisme tout court. Dans ce nouveau chapitre, nous allons passer en revue ce que contient exactement l’enseignement spirituel du Christ dans le christianisme originel (ou gnose). Nous comprendrons ainsi pourquoi cet enseignement est resté secret durant des siècles. Pourquoi également il a été farouchement combattu par les instances religieuses dominantes de l’Occident.

Ésotérisme guénonien et mystère chrétien

Dans un livre remarquable, Jean Borella nous fait découvrir la pensée de René Guénon sur l’ésotérisme chrétien. L’apport principal de René Guénon a été entre autres de discerner les approches ésotérique et exotérique de la religion occidentale. Il  a ainsi tenté de prouver que la doctrine catholique ne reflétait que la partie émergée du grand mystère chrétien. Seulement l’écorce. Et c’est ce qu’il a appelé l’exotérisme.

Guénon affirme donc que l’Église Catholique romaine fut toujours dépositaire de connaissances dont elle aurait entièrement ignoré la véritable profondeur.

Déférence gardée pour le grand ésotériste que fut Guénon, je ne suis pas totalement d’accord avec cette vision. Ni même avec celle qui oppose constamment une prétendue gnose chrétienne au Dogme catholique romain.

Un ésotérisme chrétien à double tranchant

Dans la plupart des cénacles ésotériques à vocation christique (rose-croix, templiers, cathares, gnostiques et autres maçonneries écossaises…), une tendance idéologique générale s’affiche.

Très schématiquement, on y considère qu’un enseignement chrétien secret (une gnose) a circulé discrètement au fil des siècles, au nez et à la barbe des autorités catholiques ignorantes.

Cela revient à dire, comme expliqué dans mon précédent article, que selon cette idée, il existerait deux enseignements séparés. Ou tout au moins un enseignement de surface et un autre plus profond. Sous-entendu, un gros canard pour les masses, et une Vraie Vérité pour les initiés.

Ésotérisme chrétien gnose et Cie…

Le problème se corse ensuite avec l’apparition inattendue des évangiles apocryphes

Beaucoup ont voulu voir dans cette découverte la preuve formelle du mensonge catholique. Il est en effet très pratique d’opposer ce qu’on a trouvé dans les papyrus de la Mer morte et de Nag Hammadi, au corpus évangélique foncièrement figé par les premiers conciles de l’Église catholique.

Or, cette objection ne tient pas la route si on re-situe objectivement la nature substantielle de ces papyrus. Car ils semblent constituer en fait une simple bibliothèque d’érudits de l’époque proto-chrétienne. Une compilation éclectique.

Je peux avoir moi aussi un grand nombre d’ouvrages de spiritualité très différents sur mon étagère. Si le christianisme, le bouddhisme, l’islam et le taoïsme peuvent cohabiter dans ma bibliothèque, pourquoi n’en aurait-il pas été de même pour un chercheur d’absolu du premier millénaire? Ne pouvait-il pas lui aussi avoir le désir de rassembler des manuscrits de toutes origines.

Or, ce n’est pas cette analyse qui a prédominé. 

On a dit : voilà le véritable enseignement du Christ! Voilà le véritable visage du Christianisme! Les manuscrits gnostiques reflètent les véritables doctrines chrétiennes!… 

Et on a dit une grosse bêtise…

Pourquoi l’Église catholique a-t-elle peur de son propre ésotérisme?

On va entrer ici dans un problème de fond et non de forme.

Si on ne veut pas se tromper dès le départ, partons du principe que le Dogme catholique n’est ni tronqué ni superficiel comme René Guénon semble l’avoir affirmé, et comme le répètent aussi la plupart des mouvements occultistes.

Ce n’est donc pas dans l’enseignement spirituel que décrivent les évangiles canoniques qu’il faut donc chercher la cause de la discorde entre l’Église et les groupes gnostiques.

Le vrai problème est dogmatique. 

Je m’explique.

Sans trop entrer dans les détails, l’Église a défendu une thèse sur laquelle repose TOUT l’édifice chrétien à partir du moment où fut créée l’institution ecclésiastique. 

Cette thèse est que Jésus est mort et ressuscité pour racheter les péchés de l’humanité entière. Point barre! D’où là règle intransigeante : « hormis l’Église, point de Salut! »

On tourne en roue libre avec ça depuis des siècles et des siècles…

Le secret de la gnose christique

Toute la foi catholique repose donc sur le postulat du rachat spirituel apporté par le rédempteur désigné par l’Église qui est Jésus.

Mais, si on arrive un jour à prouver que Jésus n’est ni mort ni ressuscité, ni même qu’il n’a jamais existé, que va-t-il se passer?

Tout s’écroule. On va hurler au scandale! 

Le Christianisme passera définitivement pour un gros mensonge et son enseignement avec. Ses fidèles se sentiront bafoués et abandonneront leur religion pour aller voir ailleurs si j’y suis.

Les gnostiques auront eu finalement raison de la Grande prostituée!

L’ésotérisme chrétien comme une alternative paisible et sans risque

Par contre, si on arrête de se soucier de l’historicité de Jésus, de sa prétendue mission de Sauveur, ou du besoin même d’évangéliser le reste du monde, alors on va ouvrir les yeux sur la seule et unique chose qui compte vraiment, finalement :

L’enseignement de Jésus! 

Un enseignement dont la teneur représente une réponse aux interrogations spirituelles de l’humanité. Si on veut bien creuser un peu au-delà de la surface…

Une réponse parmi tant d’autres, bien sûr, mais en tout cas, une réponse que je peux étudier comme je l’entends. Et dont je peux approfondir le sens ésotérique (justement) en toute liberté. 

Et ce, sans craindre que ma foi ne s’évanouisse ou que mon équilibre spirituel en pâtisse si un quelconque archéologue découvre un jour je ne sais quelle relique audacieuse…

Regardons clairement dans la bonne direction

Si on lit les Évangiles (et pas le Catéchisme) sans idée préconçue et sans «y rajouter» selon l’expression assez géniale de Michel Fromaget, de quoi y parle-t-on?

On y raconte une histoire dans laquelle un homme nommé Jésus accomplit un certain nombre de miracles tout en professant un enseignement spirituel.

Les différentes étapes de son épopée seront rassemblées ensuite par groupes de mystères. Ceux-ci seront considérés comme les repères fondamentaux du chemin spirituel vécu (et donc proposé) par Jésus. Ils constitueront les jalons d’un travail qui doit conduire ses adeptes vers une promesse dont parle souvent Jésus : la vie éternelle.

Ce n’est pas plus compliqué que cela. 

Selon le maître, vous suivez son enseignement qui consiste à intégrer Dieu dans votre vie, vous éviterez quelque chose que tout le monde redoute : la mort.

Sauf que Jésus ne parle pas de la première mort (celle du corps physique), mais de la seconde (celle de l’âme).

Tout cela n’a plus rien à voir, on en conviendra, avec cette histoire de rédemption générale par procuration dans laquelle s’est embourbé le Catholicisme…

Et bien entendu, tout cela n’a plus rien à voir non plus avec les théories réincarnationistes au rabais des obédiences ésotériques (mais pas toutes…)encore trop polluées à l’heure actuelle par le newage et la théosophie.

On n’en demandait pas tant à Osiris!

Si le Christianisme n’était pas devenu religion d’État au 4e siècle, tout cela ne serait jamais arrivé.

Mais d’un autre côté, la société occidentale telle qu’on la connaît aujourd’hui n’aurait pu voir le jour sans l’apport intellectuel, culturel (et politique sans doute) du Christianisme. Et plus précisément du monachisme occidental.

En revanche, il est clair que les traditions spirituelles antiques ne s’embarrassaient pas d’historicité. De la Perse à l’Égypte, en passant par la Grèce, les mythes porteurs d’enseignements spirituels étaient parfaitement connus pour leur virtualité.

Personne à ces époques reculées n’aurait eu l’idée saugrenue de chercher à authentifier l’existence charnelle d’un Osiris ou d’une Athéna…

C’est vraiment la spécificité malheureuse du Christianisme d’avoir désiré aussi ardemment que notre bon vieux Jésus ait réellement existé.

Bien sûr, il faudrait être naïf pour ne pas comprendre l’intérêt géopolitique d’une telle construction obsessionnelle.

Mais à nouveau, que l’historicité de Jésus soit réelle ou pas, ne devrait pas remettre en question la validité de son enseignement, à condition bien sûr qu’on en comprenne le sens profond. Ce qui est, vous l’aurez deviné, un raisonnement d’essence purement ésotérique! 

L’ésotérisme chrétien n’est pas un danger pour l’Église!

Ce qui est dommage dans toute cette affaire, ce sont les statu quo.

D’un côté, on a des catholiques qui fustigent l’ésotérisme sans même avoir pris la peine de l’étudier. S’il le faisaient, ils s’apercevraient qu’il s’agit juste d’accéder à un niveau de compréhension supérieur et libérateur.

Et de l’autre, on a des ésotéristes (au rang desquels se rangent beaucoup d’athées) qui restent obstinément bloqués sur des voies de fait. Les massacres inquisitoriaux, les ecclésiastiques pédophiles, et les trois conneries qu’a pu dire un Pape déclinant sur la capote…

Tout cela est-il bien raisonnable à une époque où on aurait vraiment besoin de cohésion et de ralliement en matière de spiritualité?

On peut reprocher tout un tas de choses déplorables au Catholicisme. Rien n’effacera effectivement certaines lourdes cicatrices. Mais la voie du reproche n’est pas chrétienne. Et on pourrait aussi, sans chercher beaucoup, trouver bien à redire du petit monde de l’ésotérisme et de ses représentants…

À quoi bon? 

Le goût de la connaissance n’est-il pas meilleur? 

En gros, vous l’avez compris, je suis pour la paix des ménages et des méninges!

La prochaine fois, nous allons entrer dans les détails du travail spirituel tel que l’entend l’ésotérisme chrétien depuis toujours. Au reste, je ne doute pas que cet ésotérisme pourra même surprendre (et émerveiller?) autant les ésotéristes ou gnostiques eux-mêmes que ceux qui, parmi les catholiques, sont en quête de (plus?) de profondeur… 

Nous pourrons ainsi consolider la thèse selon laquelle l’intégralité de ce travail initiatique se trouve parfaitement et clairement inscrite dans le dogme de l’Église catholique romaine, que celle-ci en ait conscience ou pas.

Et pour ceux et celles qui n’auront pas la patience d’attendre nos prochaines parutions de blog, il existe un raccourci vers lequel je renvoie les intrépides et les téméraires qui n’ont pas froid aux yeux, ni aux oreilles…

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